Ce billet est un repost de l’article paru sur le site L’Instant Parisien découvert récemment et absolument sous le charme, tout le Paris que j’aime y est. (Je vous invite à le suivre).
Le digicode dévoile un couloir carrelé. Le couloir donne sur une porte. Et quand on pousse cette porte, un aimable chat gris apparaît dans la lumière douce. Derrière le chat : un jardin extraordinaire. On pourrait être dans le sud. Pas à Montmartre. Le choc est grand. David nous avait pourtant prévenu. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Mais pour le moment, il est 16h, et notre rencontre ne devrait pas durer plus d’une heure. Mais les choses ne se passent pas toujours comme on les prévoit. A 21h, nous trinquerons joyeusement au couché du soleil sur la plus haute terrasse de Paris. Mais commençons par le début, passons la porte…
Les chats vivent ici chez eux et nous le font comprendre par des attitudes de proprio (salut Poupette) parmi les poules les plus chics d’Ile de France et une bande d’abeilles stakhanovistes qui triment au fond du jardin dans leur ruche avec pour objectif obstiné de battre leur record 2013 : 47 kilos de miel montmartrois. Le jardin extraordinaire, car il est vraiment extraordinaire et immense, se déploie sur deux niveaux, comme une oasis au milieu des immeubles, presque un mirage trop beau pour être vrai sous le ciel de Paris.
Sans se forcer, on imagine des histoires. Une maison abandonnée a quelque chose à dire :eh oui les gars, Montmartre avant les touristes c’était la campagne, des champs, des cultures. Sur la porte, une plaque indique «Mulet première qualité». Cette petite maison de deux étages construite au milieu du XIXème fut bourgeoise et on y pratiquait le commerce de mulets. Un siècle plus tard, les héritiers ne s’entendant pas sur son sort, elle s’endort pour 40 ans jusqu’à ce que David reprenne les affaires en main et débroussaille le jardin.
De David, le fondateur des Mauvaises Graines, parlons-en car il y a beaucoup à dire. Stature d’acteur, regard bleu Newman, charisme et énergie hors du commun, il entre en scène accompagné par deux femmes souriantes et adorables. Bonjour Annick, bonjour Camille. Pour se faire une bonne idée des choses et des gens, aujourd’hui on se tutoie et tout le monde sourit tout le temps.
«J’ai conçu ce jardin comme un jardin de curé. C’est un jardin de sous-bois». Un jardin humble, composé de plantes qui n’en jettent pas plein la vue, proche des jardins ouvriers de son enfance, celui de son grand-père cheminot à Vesoul. Le retour aux racines dans Paris…
Son pire ennemi ? André Le Nôtre, le Monsieur jardin-à-la-française. A l’origine, le jardin français n’est pas dessiné à l’équerre et au compas. Pendant que nous faisons craquer les petites brindilles dans les allées ombragées, David nous parle de Charlemagne et du Capitulaire de Villis (autour de l’an 800) qui ordonnait qu’une centaine d’espèces différentes de plantes, d’arbres fruitiers et d’herbes, soit systématiquement cultivée dans les jardins des domaines royaux. On est bien loin de l’esprit de Versailles. L’épure ? La partition proprette ? Non, merci, pas de ça ici.
On retrouve chez David, à Montmartre, ce foisonnement originel qui est un condensé de son univers : les débordements du rock, l’éclectisme, l’anticonformiste, à contre-courant de l’époque. C’est simple, c’est beau. Sommes-nous conquis ? Evidemment. Et il n’aura pas fallu une minute. C’est pas faux : nous sommes une cible facile.
David est le chef d’orchestre du concept store black & green Les Mauvaises Graines. Il n’est pas seulement jardinier, ou horticulteur, il est plantiste. Soyons précis : sur sa carte de visite David indique comme profession plantiste rock. Cet après-midi passé en sa compagnie, nous a persuadé qu’avant d’être ce jardinier-styliste (faussement) fou-fou, expert de la pousse en milieu urbain, David est d’abord un poète qui rêve la vie en vert et en pieds.
Le poète aime toutes les plantes (à part peut-être les géraniums de mémé et les orchidées guindées), il apprécie aussi les chats du voisinage qui s’ébattent en toute sérénité dans son Eden (rock), les poules qui vivent chez lui comme des coqs en pâte, les insectes, les moutons et les chèvres installés dans sa maison de campagne, les histoires, les rencontres.
«Préparez votre appareil photo, dès que je vais ouvrir la porte du poulailler, elles vont filer». On est prêt. 1, 2, 3. C’est ouvert. Voici la Grosse Bertha (la poule la plus canon de la troupe) et derrière c’est Gisèle, la star des poules qui pose sur toutes les photos et qui se couche plus tard que ses consoeurs parce que dans la tête de Gisèle c’est par sûr qu’elle soit vraiment une poule. David extirpe de la paille un oeuf tout chaud (ndlr : délicieux) en expliquant qu’il fait son humus derrière le poulailler et que les voisins lui apportent parfois leurs épluchures. Son rêve de la campagne à Paris et de produire localement une bonne partie des plantes vendues dans sa boutique est une réalité qui sent bon la paille et la terre humide.
Nous rejoignons Annick et Camille sur la grande table de jardin sous un arbre centenaire. Vue d’ici, la maison abandonnée est comme un rempart contre les remparts, tout autour les immeubles font barrage. Mais elle a résisté, s’est arc-boutée sur son jardin. Ce n’est pas qu’une petite maison de guingois, ou qu’un jardin adorable, nous sommes en phase avec quelque chose d’invisible et de puissant qui a besoin d’un lieu physique pour s’exprimer et nous parler. Et cette chose, c’est «l’âme» de Paris. S’il y a des fantômes (et il y a des fantômes !), il leur faut des lieux ordinaires à hanter. Où iront nos fantômes, comment leur parlerons-nous, quand les derniers ateliers, les dernières boutiques «vintage», les pignons peints et les jachères urbaines sans valeur historique, auront disparu. Il y a de l’émotion à se dire que ça existe encore. Mais c’est une émotion joyeuse, pas du tout nostalgique.
Dans son jardin, David est donc, de fait, un conservateur de cette âme parisienne. Ça tombe bien, il a l’esprit de partage. Pas mal de gens viennent ici. On ne va pas se cacher derrière son petit doigt, David est le plantiste préféré des stars qui le pressent de faire chanter leurs terrasses. Untel a donc mangé ici. Ah oui, quand même. Quelques voisines âgées du quartier y ont aussi pris le thé au soleil en papotant. Ah oui, quand même. David aime l’énergie des rencontres. La vie c’est ça, dit-il. «Vous faîtes quoi ce soir ? Ça vous dit un petit dîner en plein air ?» On ne voudrait pas gêner. «Mais non. Il y aura aussi Laure et ses fils. Ce sera dans un esprit partie de campagne». Chouette ! Elle en pense quoi la mini-poule installée sur les genoux ? «Elle me suit partout, c’est un vrai toutou». Gros coup de coeur pour la mini-poule qui répond au doux prénom de Barbie, Barbie la Barbue d’Anvers (une espèce rare qui mérite d’être connue)…. Lire la suite sur L’instant Parisien… (il faut rendre à César comme on dit…)
Enjoy as much as I did while reading…
xx&x